Entre chien et loup, série.
La réalité agit constamment jour et nuit comme une force sur notre système nerveux, musculaire, sanguin, lymphatique. Il faut trouver alors rapidement une méthode pour canaliser et transformer cette force en quelque chose de supportable. Sans méthode, la réalité nous submerge et invalide notre raison d’être au monde. Les séries présentées ici, et spécifiquement celle intitulée Entre chien et loup, a commencé à la fin de l’année 2010 à l’issue d’une expérience traumatique au cours de laquelle je ne pouvais distinguer ce qui relevait de l’état de rêve ou d’éveil. Ce flottement a duré longtemps. Clément Rosset dans "Récit d’un noyé" évoque cet état. Les drogues ingurgitées pendant cet épisode traumatique ont sans doute nourri ces visions qui se sont imprimées définitivement. Peindre permet de redonner unité à cette double réalité étrange et inconfortable qui vous a transformée, un temps indéfini, en spectre de vous-même. Entre chien et loup désigne métaphoriquement ce moment où la lumière décline et où notre cerveau met tout en œuvre pour anticiper ce noir qui s’annonce. Les détails se dissolvent et obligent à capturer l’essentiel. Quand le jour tombe le réel menace de disparaître, alors le désir impérieux de le maintenir et de l’incarner devient irrépressible. Il s’agit de ne plus vouloir s’absenter du monde. La série se poursuit donc depuis cette date. Les outils utilisés pour répondre à cette urgence sont volontairement rudimentaires : bâton d’huile, exclusion du pinceau. Il faut aller vite.
Jane Planson